Lignes de temps : outil et méthode d’enseignement collaboratif
Bernard Stiegler, philosophe, enseigne en 2015 l’UV IC01 « Histoire et prospective des industries culturelles et des médias numériques », à l’UTC Université Technologique de Compiègne.
Très attaché à une mise en action raisonnée des outils numériques, il a mis en place pour ce cours une méthode de travail s’appuyant sur le logiciel « Lignes de temps », qui demande aux étudiants de contribuer à la richesse du cours.
L’introduction du 2ème chapitre de ce cours – disponible en ligne – est consacré à l’exposé de cette méthode de travail.
Lignes de Temps est au départ un logiciel d’analyse de films; très utilisé lors des formations à l’analyse cinématographique, il permet l’annotation du film étudié par les étudiants.
Mais il est également formidable pour soutenir un travail pédagogique d’action-contribution pris en charge par les étudiants à partir de la matière fournie par le professeur.
La preuve par l’exemple, dans ce cours n°2 de l’UV IC01 « Histoire et prospective des industries culturelles et des médias numériques ».
Développement de la méthode pédagogique proposée par Bernard Stiegler
- Le cours magistral est enregistré en vidéo. Le professeur est filmé de face; les illustrations du cours (diapos, copies d’écran de site Web, extraits de textes écrits…) sont insérés dans le flux de la vidéo. La prise de vue peut intervenir en salle de cours en présence des étudiants ou en temps différé avec l’intervenant seul.
- Les étudiants ont accès à partir d’une date donnée à cet enregistrement diffusé dans le lecteur spécifique Lignes de temps.
- Il est demandé aux étudiants de prendre des notes (par tout moyen à leur convenance – papier, tablette, ordinateur…) pendant l’audition du cours. Les étudiants sont donc selon le dispositif en salle de cours devant le professeur ou devant leur écran, visionnant l’enregistrement. Dans tous les cas, un « time code » hh:mm:ss devra être associé à chaque note.
- Il est demandé aux étudiants de mettre en forme leurs notes en les catégorisant :
- Compréhension : marquer les moments où sont abordés des notions clés. Il s’agit de scander, chapitrer le déroulement du cours.
- Questionnement : marquer les moments où l’étudiant ressent un trouble.
- Prolongement : proposition d’élargissement vers des affirmations convergentes ou divergentes par rapport aux propositions du professeur.
- Les notes de cours ainsi catégorisées sont reportées par les étudiants sur les lignes de temps, disponibles en dessous de la vidéo, chaque étudiant ouvrant une ligne de temps à son nom.
- Des codes couleur sont dédiés aux différentes catégories de contribution.
- Les notes ainsi qualifiées sont spacialisées, conformément à l’indication de time-code qui est associée à chacune d’elle.
- La qualification de l’écoute sous la forme des catégories est au cœur de la démarche pédagogique qui appuie la constitution du savoir.
En notant et catégorisant les compréhensions, les troubles, les commentaires, en faisant appel aux expériences personnelles, la salle de classe numérique, ouverte sur le temps et l’espace se donne le moyen de favoriser et de garder trace de la polémique, essentielle au savoir. - Les mots-clés sont également proposés par les étudiants. Leur récurrence sera utile à la rédaction de synthèses.
Aller au bout de l’expérience contributive
L’expérience ainsi décrite n’est pas complète tant qu’elle n’a pas abouti à une formalisation/éditorialisation du cours.
Un cours doit transformer celui qui le suit, processus en 2 étapes :
- s’approprier les éléments de compréhension
- élaborer la compréhension du cours = produire une forme éditorialisée du cours
L’objectif est d’aboutir à un résumé du cours, éditorialisé par 2 ou 3 groupes, doté d’une base de données de navigation.
Les outils permettant cette éditorialisation sont actuellement en développement à l’IRI :
- Un robot de recommandation contributive : discuter, confronter, faire progresser, soit la dialectique assistée par ordinateur.
- Un logiciel de réseau social, fondé sur le partage d’objectifs.
Ces outils seraient nécessaires à l’existence de Moocs réellement contributifs, qui pourraient donner lieu à des certifications contributives.
Bernard Stiegler est également directeur de l’IRI, Centre Pompidou, Institut de recherche et d’innovation du Centre Georges Pompidou à Paris, institut qui a développé le logiciel Lignes de Temps.